ODEURS ET TABOUS :  PEAU ET ORIGINES

Pour moi, l’odeur est signe de vie…..l’effacer, la gommer, la refouler ; c’est renier le sang qui anime la chair nécessairement imprégnée par l’odeur. J’ai donc décidé d’aborder ce sujet à ma manière et donc avec ma grille de lecture bien singulière.

Voyager à l’étranger ou simplement aller déjeuner dans un restaurant indien ou asiatique, nous projette immédiatement dans d’autres univers olfactifs.

En Afrique, remontent des odeurs de terre, des notes chaudes et animales. En Inde, les fleurs suaves et les épices nous baignent dans des effluves enivrantes. Au Maghreb, planent des notes de cuir et de cumin. Oman offre la magie des résines aux origines du parfum. Et je pourrais continuer avec la terre entière car le ressenti étant propre à chacun, personne ne décrira la même chose. Des livres entiers pourraient être consacrés aux odeurs de mes pérégrinations tant je les imprime en moi. D’ailleurs, quand je me promène dans certaines rues du Marais à Paris, je me rassure dans les effluves qui me plongent dans mes souvenirs d’Europe de l’Est. Ces arômes de pays lointains attirent ou écoeurent selon la nature de chacun. Il n’y a pas de règles, pas de bonne ou mauvaise réponse, juste une impression.

Odeur ou signature olfactive ?

 

Chaque population revêt son odeur. J’entends déjà hurler tous ceux qui refoulent l’idée de différences alors que la différence exprime la richesse de la diversité sur terre. Dieu qu’il serait dommage que chaque humain n’offre pas sa signature olfactive. J’aime observer les animaux. La maman chat lèche immédiatement le petit qui vient d’être touché par un intrus humain qui ose approcher sa tribu. De même, ne nous faisons aucune illusion, un chat ne se frotte pas à nous par amour mais bien pour marquer son territoire olfactivement.

Quand on interroge des populations de divers horizons, il est amusant de noter que l’odeur de l’homme occidental peut leur évoquer la mort ou le poulet trempé dans l’eau chaude faute de signature marquée. Alors que l’Afrique sent fort pour un occidental qui associe parfois à ses notes le gibier et les épices. L’Inde rappelle le beurre rance et les cendres des encens aux Occidentaux alors que l’Asie leur évoque les mangues et les crevettes.

Age, sexe, climat, alimentation, mauvaise ou bonne santé, période de cycle chez les femmes sont autant de critères qui jouent sur nos parfums de peau.

Et pourtant l’odeur est le premier contact à l’autre. Si on peut ne pas regarder quelqu’un, ne pas le toucher, ne pas l’écouter, ne pas le goûter, on est contraint de le sentir même sans le vouloir et donc de le supporter. Son haleine, sa paume de main déjà, puis sa transpiration éventuellement. Mais chacun possède sa carte d’identité olfactive. L’odeur axillaire permet de reconnaître l’appartenance sexuelle de l’émetteur et son intensité comme son caractère plaisant ou non, de déterminer sa typicité sexuelle.

Pourquoi serait-il plus agréable d’être dans les bras de certaines personnes plus que dans ceux des autres ? L’odeur est alchimie de la matière. Dolto demandait à ses patients : « est-ce que vos odeurs s’accordent ? ». C’est tellement plus simple et tellement plus vrai mais l’odeur a été diabolisé par des siècles de religions sectaires et de philosophie binaire.

 

Odeur et animalité ; le tabou lié au sexe

 

L’odorat est lié au sexe et on touche ici le tabou majeur. Je consacrerai certainement un article au sujet. Ce n’est pas un hasard si Aristote reproche à ce sens de manquer de finesse, si Descartes le considère comme grossier, Kant ingrat, Schopenhauer inférieur et Hegel l’exclut de l’esthétique.

Evidemment, ces philosophes ne s’inscrivent pas au rang des plus prompts à jouir de l’existence si l’on s’intéresse quelque peu à leurs écrits. Si leurs réflexions attestent d’une réelle profondeur, ils ne nous emportent pas dans le rire, la vie et la joie.

Sens animal, instinctif, primaire, voluptueux, égoïste, érotique, inapte au compromis donc forcément dérangeant pour le prêt à penser qui catégorise tout en bien et mal, beau et laid, chaud et froid, etc. Le vocabulaire s’en ressent car il est d’une pauvreté légendaire puisque le ressenti ne pouvait être exprimé, juste censuré. La psychanalyse a remis une couche sur le sujet en dévalorisant l’odorat. Les admirateurs de Freud me pardonneront mais le champion du refoulement a fondé son appréciation sur son propre vécu et avec peu d’objectivité du fait de sa relation à Fliess, oto-rhino-laryngologiste viennois qui partageait avec lui sa pathologie rhinologique.

Pour Nietzsche, rejeter l’odorat c’est rejeter notre animalité et je le rejoins à 100%. Des siècles entiers nous ont fait privilégier la raison à l’instinct et l’intuition pour nous transformer en machines et en soldats. Par provocation, il écrivait : « tout mon génie est dans mes narines ». Forte de ce sens très développé chez moi, je partage totalement son avis.

Hippocrate reconnaît les maladies aux odeurs secrétées par le corps. Dans le vocabulaire populaire, les expressions se sentir mal ou je ne peux pas le sentir en attestent. Il y a dans l’olfaction un 6ème sens et tout ce qui échappe à l’entendement et au rationnel dérange les esprits étriqués.

 

Odeurs et liens ; chimie et alchimie

Le nez du bébé reconnaît sa maman dès ses premiers instants de respiration. Il va spontanément téter le sein qui lui est offert alors que personne ne lui a donné le mode d’emploi. A votre avis, pourquoi ?

Le profil chimique des sécrétions du sein maternel recouvre en partie celui du liquide amniotique et le bébé est donc mu instinctivement vers sa sécurité et sa survie. A la 14ème semaine de grossesse, les cellules sensorielles apparaissent. Le liquide amniotique est parfumé et chaque moment partage donc ses émotions avec son enfant via l’odeur. Le bébé « re-sent » tout. De ce qu’elle mange à ce qu’elle vit comme ce qu’elle endure. Le fœtus est déjà formé aux choix culinaires indirectement.

Le canal olfactif est prépondérant dans le processus d’attachement. Une expérience a été faite avec une brebis et un agneau. A la naissance, cette dernière lèche son petit et mange son liquide amniotique. Cela constitue le premier lien tangible à l’enfant. Si on le lui empêche et on lui neutralise ses récepteurs olfactifs, elle ne reconnait pas l’enfant et néglige l’intrus. Si on lui bouche les yeux et lui restitue son odorat, elle va chercher son petit. Baigner dans l’univers de quelqu’un est une expression lourde de sens. En effet, les odeurs, les émotions passent par des ondes et par la chimie moléculaire. Tout est vibratoire : rien est plus magique que vivre et en prendre conscience.

Hélas, aujourd’hui on ne flaire plus sauf la drogue aux aéroports ! Mais il appartient à chacun de choisir son propre chemin et donc de l’enrichir d’expériences. Je vous propose donc de l’accomplir ensemble et de laisser place à la magie des odeurs et des souvenirs.

A.M.

Vous aimez cet article, partagez-le sur
Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp
Adeline Monney
Coach sensoriel Monneysens